Pour titiller ma nouille grise...

Aujourd'hui, alors que je jouais à la sardine avec des centaines d'autres citadins dans le métro en direction du Centre Jeunesse, je me suis mise à visualiser une pensée qui me titille la nouille grise.

Voici ma réflexion. Notre dossier pour une demande d'adoption sera envoyé en Asie au plus tard dans un mois (on l'espère bien). Ensuite, les délais moyens et approximatifs avant de recevoir une proposition et de voir la binette de notre petit prince coréen sont de 2 à 5 mois.

Au moment de cette proposition, les bambins sont âgés d'environ 5 à 7 mois. Vous me suivez?

Ma nouille grise a donc bouilloné sous le spasme de quelques synapses, avant de conclure que notre fils est sur le point de venir au monde ou (petite larme à l'oeil), déjà né depuis peu, à l'autre bout de notre planète bleue!! C'est une douce pensée qui vient effleurer les cordes de mon coeur de future maman. Elle donne un aspect plus réel à une attente qui est somme toute bien abstraite. Celui qui deviendra notre fils (ou peut-être notre fille) a peut-être déjà pris son premier souffle quelque part sur la péninsule coréenne. Il vient peut-être à peine de pousser ses premiers cris, qui nous tiendront bientôt éveillés des nuits durant! Ses yeux, ses oreilles, ses petites menottes ont peut-être déjà commencé à enregistrer les sensations de ce monde, et il a peut-être déjà commencé à tirer ses conclusions sur son environnement de poupon! Il a peut-être déjà reçu le sein de sa maman biologique de laquelle il a peut-être déjà été tristement séparé. Il a peut-être déjà versé les premières larmes de ce deuil qui l'habitera toute sa vie, mais qu'on s'efforcera d'adoucir à notre manière. Il a peut-être déjà apprivoisé sa maman d'acceuil. Il a peut-être déjà commencé à faire dodo à ses côtés. Son petit cerveau a peut-être déjà commencé à enregistré la musicalité de sa toute première langue maternelle, la même que j'essaie d'apprendre laborieusement de mon côté du Pacifique. Peut-être, déjà.

Je pense aussi beaucoup à sa maman biologique qui occupera toujours une place importante dans sa vie, et de laquelle il aura peut-être le visage. Je pense aux neuf mois qu'ils ont partagé ensemble, elle, la bédaine grossissante, lui, bien au chaud et insouciant. Le choc qu'elle a pu ressentir en apprennant qu'elle était enceinte, et les angoisses qu'elle a pu vivre en se demandant ce qu'il adviendrait de son bébé. Puis la peine qui a dû l'accabler quand, essayant de garder la tête froide, elle a dû le confier en adoption.

Même si les hasards de la vie feront que je n'aurai probablement pas la chance de la rencontrer, je ressentirai toujours un lien fort et particulier avec cette femme coréenne qui nous aura offert la plus grande marque de confiance, en nous remettant aveuglément son bébé, lui souhaitant des jours meilleurs qu'à ses côtés.

Bienvenue dans la vie, mon petit Prince de Corée.

j.