vendredi 28 novembre 2008

Vous avez été adopté en Tanzanie. Bravo! Vos nouveaux parents vous y attendent.

Voici un modèle d'image très souvent repris dans la littérature de l'adoption internationale, afin de susciter l'empathie pour les enfants adoptés. Ça fait réfléchir...

Vous êtes âgé de 8 mois. Vous êtes né dans un hopital de Montréal. Malheureusement, votre maman n'avait pas les capacités pour assurer votre sécurité et votre développement. Elle vous a donc confié à l'adoption. Le Département de la Protection de la Jeunesse, après avoir étudié votre cas, vous a déclaré "adoptable". Les travailleurs sociaux vous cherchent une famille adoptive depuis six mois, mais sans succès. Sur un autre continent, bien loin, une famille tanzanienne s'est inscrite auprès d'une agence d'adoption. Ils ont accepté la proposition qui leur a été faite concernant votre adoption. En voyant votre photo, ils sont immédiatement tombés amoureux de vous. Vous êtes si mignon, et ils ont toujours rêvé d'adopter un enfant blanc!

Vous prenez l'avion de Dorval avec une escorte, une personne que vous n'avez jamais vu et dont vous ne reconnaissez pas l'odeur. Vous arrivez épuisé et à bout de larmes, 34 heures plus tard, à l'aéroport de Dar-Es-Salam, en Tanzanie, pour y découvrir votre nouvelle famille. Deux femmes que vous ne connaissez pas, et qui portent de longues robes, s'approchent de vous. Elles pleurent. Un homme portant lui aussi une longue robe orange les suit et s'approche. À leurs côtés, quatre enfants trépignent, pieds nus. Ils ont tous la peau très noire, et les dents très blanches. Ils n'ont pas de cheveux et ils portent des bijous au cou et aux oreilles. Ils ont une odeur corporelle que vous n'avez jamais sentie auparavant.

L'escorte, qui parle français, doit repartir par le même avion. Elle vous laisse là, parmi ces étrangers. Puis peu à peu, une foule bruyante se masse autour de vous. Toute la tribu massaï chante et danse, pour célébrer votre arrivée. Plusieurs personnes vous touchent, vous flattent les cheveux, vous parlent en émettant des sons inconnus. Des enfants fourmillent autour de vous, des personnes âgées vous placent leur main sur le front et vous passez des bras d'un adulte à l'autre. Les nouvelles mamans et votre papa vous parlent tous en massaï. Vous ne savez pas s'il sont gentils ou non. Vous ne savez pas ce qu'ils veulent que vous fassiez. On vous retire vos chaussures, parce que dans votre nouveau pays, on marche nus-pieds.

Le soir même, on vous sert un plat traditionnel: l'engurma, une bouillie composée de haricots, accompagnée d'une tasse de sang de vache bien chaud. Et toujours autour de vous, tous ces visages inconnus qui vous observent, et qui s'agitent sans fin.

La nuit venue, on vous fait dormir sur un tapis à même le sol. Des bruits inquiétants et étranges parviennent à vos oreilles et vous empêche de dormir. Sans compter que vous êtes sur le décallage horaire. Pourtant, vous êtes SI fatigué! Vous finissez par vous endormir dans un sommeil agité, complètement au bout du rouleau.

Le lendemain matin, une de vos nouvelles mamans vous retire les seuls vêtements que vous apportiez avec vous et les jette au feu, pour vous faire enfiler une longue robe. On vous coupe vos belles boucles blondes, et on vous rase les cheveux. On place sur votre tête un joli bijou, comme ceux de vos nouveaux frères er soeurs.

Quelques semaines plus tard, votre adoption est rendue officielle par la loi du pays. Vous êtes tanzanien.
Comment vous sentez-vous?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ça s'appelle le syndrôme de l'imposteur. Il y a qqn qui s'est trompé qq part, c'est pas moi qui devait être là, c'est sûr...

C'est promis, la première fois que j'irai le/la voir, je mettrai des papiers collants pour rapetisser mes yeux, histoire que le contraste avec ses habitudes ne soit pas trop grand! ;o) C'était tu ça la morale de l'histoire, dis, j'ai tu bien compris?

Josiane a dit…

Non non, pas tout à fait. Faut juste que tu te rappelles de ne pas danser pieds-nus au rythme des percussions masaï...

Et pas de tribu à l'aéroport :o)

Fanie a dit…

ma soeur m'a parlé de ce texte et je suis bien contante d'avoir pu le lire! c'est vraiment saisissant, merci.