dimanche 26 avril 2009

Unique au monde

Tu n'es pas encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde...
(Extrait du dialogue avec le renard, Petit Prince de Saint-Exupéry)

Le petit arrive dans la maison qui est maintenant la sienne. Il ne le sait pas encore. Les adultes qui lui sourient sont ses parents. Mais il ne le sait pas encore. Pour le moment, il est sous le choc des changements qu'il vit, et sous peu, aussitôt qu'il comprendra que ses besoins fondamentaux sont comblés sans effort, et de manière rapide, cohérente, chaleureuse et prévisible, il sera en mode exploration de son nouvel environnement. Il doit aussi apprivoiser tranquillement ces étrangers qui l'entourent, et réciproquement, se laisser apprivoiser. Il développera idéalement un lien durable et solide avec ses parents, qui lui servira de base émotionnelle durant toute sa vie. C'est ce qu'on appelle communément l'at-ta-che-ment.

Il ne faut pas toujours se fier aux apparences. L'attachement est une chose ardue à identifier, puisqu'elle est en constante évolution. Le phénomène prend au moins plusieurs mois, voire des années à apparaître. L'enfant qui, dès les premiers jours, semble heureux, offre de beaux grands sourires à ceux qui l'entourent et n'hésite pas à distribuer des câlins à tout le monde n'est pas un enfant "attaché". Si un tout-petit est TROP sociable, c'est peut-être qu'aucune personne en particulier n'est à ses yeux unique au monde, et il ne se sent unique au monde pour personne. S'il est TROP docile, c'est peut-être qu'il a très peur d'être rejeté en étant lui-même. Pour que l'attachement se développe, il faut qu'il se sente important et unique pour ses parents. Il faut aussi qu'il les perçoive comme dignes de confiance, en tout temps, et qu'il se sente en sécurité avec eux. Il doit sentir qu'il peut exposer ses vulnérabilités sans avoir peur d'être abandonné.

Mais l'enfant adopté n'est pas différent des autres en ce domaine. Le poupon qui arrive de l'hopital dans les bras de sa maman et son papa devra aussi passer par les étapes menant à l'attachement. Celui-ci ne se fait pas automatiquement. L'attachement mutuel et instantané n'existe pas; c'est un processus lent, mystérieux et parfois difficile. On aura tendance à penser qu'une petite fille qui se précipite dans les bras des parents d'autres enfants de la garderie sans gêne et sans pudeur est mignonne et très sociale. Mais peut-être ne lui a-t-on jamais fourni les conditions idéales à un attachement profond avec des personnes significatives à la maison et qu'elle tente de trouver de l'attention chez tout adulte qui passe. C'est l'instinct de survie. Il ne faut pas perdre de vue qu'adaptation n'égale pas attachement.

Et pourquoi est-ce si important l'attachement? C'est ce qui permet à un être humain de développer des relations dans sa vie. De développer sa conscience. De relativiser l'importance des choses. D'atteindre son plein potentiel intellectuel. De développer l'habileté à penser de façon logique, et celle de gérer le stress et les frustrations, la peur et l'anxiété. Ce qui permet de devenir résilient face à l'adversité. Ce qui permet en gros de devenir un être autonome.

On suggère aux nouveaux parents adoptifs de garder au minimum les contacts directs entre l'enfant et d'autres adultes dans les premiers temps. Afin de faciliter cet attachement et de faire rapidement comprendre à l'enfant que ses premières personnes-ressources sont ses parents; ce sont eux et seulement eux qui doivent le prendre dans leurs bras pour le rassurer, le consoler, le cajoler, le promener, l'aider, et satifaire tous ses besoins de base. Les proches de parents adoptants ont, avec raison, souvent beaucoup de mal à comprendre qu'on leur refuse de prendre le petit dans leurs bras dans les premiers mois. Ce ne sont là pourtant pas des caprices de parents surprotecteurs, mais bien une consigne de base en adoption. Car il faut poser une base solide pour arriver à bâtir des relations saines par après. Il faut que, malgré tout ce qui a pu survenir dans le passé de l'enfant, malgré tout ce que sa petite tête a enregistré, qu'il puisse enfin se laisser aller à se sentir unique au monde.

Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sur terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde! Tu vois là-bas, les champs de blé? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé! Le blé qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
(Extrait du dialogue avec le renard, Petit Prince de Saint-Exupéry)

2 commentaires:

Danielle a dit…

Très très beau et bon message. Trop de gens ne comprennent pas l'importance de l'attachement!

Danielle
xoxo

la soeur a dit…

Hum... Ŀes miens sont pas mal attachés, je pense. Ils pourront en montrer au petit!